Quelles mesures de lutte contre la fraude à la TVA dans le projet de loi de finances ?

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Un volet conséquent sur la lutte contre la fraude à la TVA en ligne est consacré dans le projet de loi de finances pour 2020, en vue de renforcer l’équité fiscale entre acteurs. Nous vous livrons ici ce qu’il faut retenir des mesures proposées en la matière, qui concernent essentiellement les opérateurs de plateformes en ligne.

Le projet de loi de finances pour 2020 a été présenté par le Gouvernement le 27 septembre, et doit être examiné par l’Assemblée entre le 7 octobre et le 19 novembre puis par le Sénat d’ici le 10 décembre.  

Parmi les grands axes figure le renforcement de l’équité fiscale par le biais de la lutte contre la fraude à la TVA en ligne.

Ces mesures ont été présentées aux acteurs du e-commerce en présence de la Fevad le 23 septembre dernier, par les Ministres Gérald Darmanin et Cédric O.

La Fevad salue la volonté des pouvoirs publics de renforcer les moyens de lutte contre la fraude à la TVA en ligne, phénomène dont elle mesure pleinement les enjeux tant sur le plan des finances publiques et que sur celui de l’équité de concurrence entre les opérateurs sur le marché français.

Elle souhaite également rappeler le rôle important des plateformes e-commerce dans la transformation numérique de nombreuses TPE/PME et souligner la singularité du marché français qui est un des seuls au monde à proposer une diversité d’acteurs, notamment grâce à la présence de nombreux opérateurs nationaux.

Après avoir pris connaissance des mesures proposées par le gouvernement dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, la Fevad souhaite faire part des observations suivantes :

  • S’agissant de la transposition de la Directive TVA de 2017 (article 53 du PLF), que les professionnels avaient soutenue lors de son adoption, la Fevad se félicite que le gouvernement ait choisi d’aligner la date d’application des mesures concernées, sur celle de l’entrée en vigueur de la directive. Elle rappelle en effet que les mesures envisagées reposent sur la mise en place de dispositifs souvent complexes à mettre en œuvre. Les opérateurs de plateforme devront ainsi notamment conserver pendant 10 ans un registre permettant aux États membres où ces opérations sont imposables de vérifier que la TVA a été correctement acquittée. Au-delà, la Directive instaure de nouvelles règles pour les plateformes e-commerce. Celles-ci prévoient notamment la redevabilité de la TVA par les plateformes de e-commerce dans certains cas où le vendeur est basé dans un pays tiers, dans l’objectif d’améliorer la perception de la TVA sur les ventes par Internet. Si la Fevad ne remet pas en cause ces nouvelles règles européennes, elle observe que le projet de transposition français entend aller au-delà de ce qui est prévu par la directive, en rendant les plateformes redevables de la TVA sur toutes les transactions qu’elles facilitent dès lors que le vendeur est établi dans un pays tiers. La mesure couvre en effet l’ensemble des importations directes par le consommateur, quel que soit le montant et que la plateforme et le vendeur aient opté ou non pour le guichet unique. Au-delà de la légitimité de l’objectif poursuivi à travers cette sur-transposition de la Directive, la Fevad s’interroge sur l’effectivité de ces mesures pour les importations facilitées par des plateformes situées hors de nos frontières avec le risque qu’une partie importante de l’activité liée aux vendeurs hors UE, ne se reporte sur ces dernières.

 

  • S’agissant de la création d’un registre pour les entrepôts logistiques (article 54 du PLF) stockant des biens en provenance de pays tiers à l’UE et destinés à la vente par l’entremise de plateformes, ce droit de communication au profit de l’administration vise à améliorer la traçabilité des flux de biens importés et nous paraît aller dans le bon sens. Au-delà de son objectif en matière de contrôle fiscal, cette réforme doit permettre de mieux lutter contre la concurrence déloyale de vendeurs localisés hors de l’Union européenne qui n’acquittent pas la TVA et bénéficient ainsi d’un avantage sur leurs concurrents respectueux de leurs obligations fiscales.

 

  • Le projet de loi de finances pour 2020 propose de permettre la publication sur Internet de la liste des opérateurs de plateforme considérés comme non-coopératifs (article 55 du PLF) car ne respectant pas, de manière réitérée, leurs obligations fiscales sur le territoire français, y compris en tant que tiers déclarants. Cette sanction sera applicable aux opérateurs de plateforme qui après avoir fait l’objet de l’une des mesures prévues par le texte, fera à nouveau l’objet de l’une de celles-ci dans les douze mois qui suivent. Ces mesures consistent en la mise en recouvrement :

– de la TVA dont l’opérateur aura été rendu solidairement redevable pour ne pas avoir effectué les diligences destinées à inciter ses utilisateurs professionnels à se mettre en conformité avec leurs obligations fiscales en matière de TVA ;

– de l’amende prévue pour absence de réponse à une demande de l’administration fiscale dans l’exercice d’un droit de communication non nominatif ou du droit de communication spécifique prévu à l’égard des opérateurs de plateforme ;

– de l’amende prévue pour non-respect de ses obligations déclaratives afférentes aux revenus réalisés par ses utilisateurs par son intermédiaire ;

– d’une imposition résultant d’une taxation d’office à la TVA sur les ventes à distance réalisées par son intermédiaire ;

– d’une imposition résultant d’une taxation d’office à la taxe sur les services numériques, ce qui implique de ne pas avoir répondu de manière satisfaisante, après mise en demeure, à une demande de renseignements afférente à cet impôt.

Selon le Gouvernement, cette mesure, qui s’inscrit dans la logique des sanctions réputationnelles (name and shame) de la loi relative à la lutte contre la fraude du 23 octobre 2018, poursuit un double objectif :

– s’assurer de la pleine coopération fiscale des opérateurs de plateforme ;

– informer les citoyens sur l’identité des plateformes les moins respectueuses de leurs obligations fiscales, dans un but de transparence et d’amélioration de la concurrence dans le secteur numérique.

La Fevad sera particulièrement attentive à ce que la mise en œuvre de ce dispositif et de la communication l’entourant, n’entache pas la réputation de la très grande majorité des professionnels du e-commerce qui s’acquittent pleinement de leurs obligations en matière de TVA. La Fevad rappelle à cet égard que le e-commerce rapporte chaque année, près de 20 millards de TVA à l’Etat. Il importe donc que la distinction entre plateformes coopératives et plateformes non-coopératives soit suivie d’effet dans le discours public et s’accompagne en particulier d’une communication ouverte et positive à l’égard des plateformes responsables. 

 

  • Le Gouvernement prévoit par ailleurs la mise en œuvre de la facturation électronique (article 56 du PLF) entre assujettis à la TVA à une date prévue entre 2023 et 2025 et propose de remette au Parlement un rapport sur le sujet avant septembre 2020, qui portait alternativement porter sur l’échange électronique de données de facturation si ce n’est la facturation électronique en tant que telle.

 

  • Enfin, l’article 57 du PLF propose à titre expérimental, pour une durée de trois ans, d’autoriser les administrations fiscale et douanière à collecter en masse et à exploiter, au moyen de traitements informatisés, les données rendues publiques par les utilisateurs des réseaux sociaux et des plateformes d’intermédiation en ligne, devant leur permettre de mieux détecter des comportements frauduleux. Cette proposition n’est pas sans soulever des interrogations, comme l’a relevé la CNIL dans son avis du 12 septembre, notamment au regard du caractère proportionné de la mesure par rapport à l’atteinte qui est portée au respect de la vie privée.

Plus largement s’agissant de la lutte contre la fraude, la Fevad estime que la mise en place d’un volet coercitif devrait s’accompagner en parallèle d’un volet préventif et incitatif, qui consisterait notamment en des mesures de simplification des démarches d’immatriculation à la TVA, dont relève l’extension du mini-guichet unique à l’ensemble des ventes à distance, prévue dans le cadre de la transposition de la directive. De même, la Fevad appelle à une mise en cohérence des nouvelles obligations au regard de l’arsenal règlementaire et fiscal déjà existant à la charge des opérateurs de places de marché en France.

La Fevad se tient à la disposition du Gouvernement et des parlementaires afin de contribuer à l’évaluation des mesures envisagées tant sur le plan opérationnel que sur celui de l’impact sur la compétitivité des acteurs locaux.