Le focus du mois – Usurpations de sites : quand votre boutique devient une arnaque

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La cybersécurité est un enjeu majeur pour le e-commerce : un rapport publié par Jupiter Research en 2022 prévoit une perte de plus de 343 milliards de dollars entre 2023 et 2027,  rien que du fait de la fraude aux paiements en ligne. Mais depuis déjà plusieurs années, les sites e-commerce sont confrontés à une autre menace insidieuse et en pleine expansion : l’usurpation de leur identité par des sites frauduleux.

Un site peut en cacher un autre

Les cybercriminels derrière ces opérations utilisent des techniques sophistiquées pour duper les consommateurs. Ils reproduisent l’identité visuelle et les contenus d’un site marchand (logo, interface, textes, visuels produits, voire messages promotionnels) pour créer une copie frauduleuse, souvent hébergée sur un nom de domaine très proche de l’original. L’URL est trompeuse, légèrement modifiée — une pratique appelée typosquatting — qui consiste à enregistrer un nom de domaine très proche de l’original (par exemple : n1ke.com au lieu de nike.com). Ces faux sites sont ensuite promus via des publicités sur les réseaux sociaux ou des campagnes d’e-mails sponsorisés, parfois même via des résultats sponsorisés sur les moteurs de recherche. Leur objectif : capter le trafic des internautes pressés, détourner les paiements et collecter des données personnelles, le tout en donnant l’illusion d’une transaction légitime. Ces faux sites, de plus en plus sophistiqués, sont parfois indiscernables pour un œil non averti. En novembre 2023, Zara a ainsi été ciblée par une campagne de phishing via un site frauduleux promettant des “soldes exceptionnelles” à -80% : des milliers d’internautes y ont laissé leurs coordonnées bancaires, croyant acheter sur le site officiel.

En 2024, une enquête de The Guardian, Die Zeit et Le Monde a révélé l’existence d’un réseau chinois baptisé “BogusBazaar”, responsable de la création de plus de 76 000 faux sites de vente en ligne. Ce réseau a déjà piégé plus de 800 000 personnes en Europe et aux Etats-Unis, en leur faisant croire qu’elles achetaient des produits de marques de renommée mondiale, comme Dior, Nike ou Prada. Les pertes estimées s’élèveraient à près de 50 millions d’euros.

En jeu : revenus, trafic et confiance

Les conséquences pour les marques sont multiples. Au-delà des pertes de revenus liées à la captation directe de trafic et de ventes, ces attaques fragilisent durablement la relation client. Un consommateur trompé par un faux site perd non seulement de l’argent, mais aussi la confiance dans la marque qu’il pensait légitime. Ce préjudice d’image peut être long à réparer, surtout lorsque l’entreprise est perçue comme passive ou démunie face à la menace. Plusieurs grandes enseignes ont déjà été ciblées par des copies frauduleuses : Zara, Decathlon, Chanel ou encore Desigual ont dû réagir publiquement pour alerter leurs clients.

Sur le plan juridique, la responsabilité d’une marque peut être engagée si elle ne met pas en œuvre des mesures de protection jugées raisonnables pour assurer la sécurité de ses clients, notamment en matière de cybersécurité ou de signalement. Le cadre réglementaire européen, renforcé par la directive NIS2, impose désormais aux entreprises une vigilance accrue. Les marques sont tenues de mettre en place des dispositifs proactifs de détection, de réponse et, le cas échéant, de retrait, afin de limiter les risques et de préserver la confiance du public.

Face à la professionnalisation des cyberattaques et à l’essor massif de sites frauduleux, les entreprises du e-commerce ne peuvent plus se contenter de réagir. La cybersécurité de marque devient un véritable enjeu de confiance. Pour les e-commerçants, c’est une responsabilité. Pour leurs clients, une attente. Et pour le secteur tout entier, un impératif pour préserver la croissance et la légitimité du commerce en ligne.