Interview du mois – Vers une agriculture bio et connectée

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Ce mois-ci, nous avons discuté avec Ludovic de Beaurepaire, fondateur de Panier Local. Panier Local est une société spécialisée dans la création de circuit-court pour les producteurs, transformateurs et commerçants. M. Beaurepaire nous explique comment l’intégration du digital pendant la crise a permis la naissance d’un nouveau marché de proximité.

 

1/ Comment la société Panier Local a-t-elle été fondée et quel a été votre parcours ?

De profil ingénieur, et ayant travaillé dans le secteur d’édition de logiciel, j’ai été sensibilisé au sujet des circuits-courts tout d’abord par mon contexte familial.

En 2006, après avoir créé une AMAP (Association pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne) à Nantes, j’ai remarqué que la distribution en circuits courts était un sujet fastidieux d’un point de vue administratif, et qu’il y avait un réel intérêt à créer pour les petits producteurs des outils web sur le modèle des drives de supermarchés qui étaient en train de fleurir à l’époque. J’ai donc créé une association pour développer des logiciels pour ces structures associatives, qui ont été d’abord des AMAPs puis des groupements de producteurs qui distribuent à des particuliers, aux fermes etc… La période s’est achevée en 2011, et représente la phase associative du projet Panier Local.

En 2011, Manger Bio 44 (un groupement de producteurs bio de la Loire-Atlantique à destination de la restauration collective) m’a sollicité pour adapter l’outil que j’avais créé à la distribution aux professionnels et à la restauration collective. Ils voulaient pouvoir gérer l’ensemble de la distribution en circuits courts en prenant en compte les spécificités liées à la gestion d’un territoire (département ou région), pour gérer les aspects administratifs (facturation de clients, fournisseurs), commerciaux (administration des ventes, gestion des marchés publics), et également logistiques (avec la gestion des plateformes).

Deux ans après, en 2013, l’outil qui était devenu un ERP en ligne, s’est adapté pour équiper les producteurs au niveau de leur gestion commerciale auprès des magasins, des restaurateurs, pour finalement gérer toute leur activité (la préparation des commandes, la traçabilité, la facturation des commandes, les exports, …).

Depuis un an, Panier Local s’adresse également aux ateliers de transformation, qui achètent auprès de producteurs locaux pour aller distribuer aux professionnels, et les équipe également sur la partie gestion de la fabrication : il s’agit par exemple de légumeries qui achètent des légumes bruts aux maraîchers locaux pour les transformer, puis les distribuer à la restauration collective (comme des carottes râpées).

Panier Local est devenu un projet d’entreprise. Nous sommes aujourd’hui une équipe de 12 personnes, et on équipe l’ensemble de l’écosystème circuit-court, en ERP de gestion en ligne pour les structures de professionnels, ou en solution e-commerce, avec un back-office très performants pour gérer l’ensemble de l’activité pour des organisations de producteurs qui distribuent aux particuliers.

2/ Avec quel type de clients travaille Panier Local ? Pouvez-vous donner un exemple précis et nous expliquer en quoi cela a impacté les ventes

Un exemple, c’est le Drive fermier 35 qui s’est créé au début du confinement, à la demande de la chambre d’agriculture de Bretagne. Ils ont voulu créer un drive pour permettre aux producteurs, qui faisaient face à une perte de débouchés avec la fin des marchés et des restaurants, de distribuer leurs produits auprès des particuliers.

En une semaine, on a créé un site internet sur lequel les clients peuvent passer commande pour être livrés sur deux points relais ou alors à domicile avec un partenaire.

Sur le mois d’avril, leur premier mois d’activité, ils ont pu distribuer 140,000 euros de produits en provenance de 47 producteurs.

La solution a donc eu un impact significatif pour les producteurs locaux.

3/ Comment Panier Local a pu contribuer à la transformation des producteurs, transformateurs et distributeurs pendant la crise ? Quelles ont été concrètement les mesures mises en place ? Auriez- vous un exemple ?

Un de nos premiers clients existants, avec qui nous avions démarré en 2008, c’est Panier Presqu’île, qui, en lien avec le covid-19 a vu son activité exploser et son chiffre d’affaire multiplié par 9. Sur l’ensemble de nos producteurs, les chiffres d’affaires ont été multipliés en moyenne par 5.

Il y a eu aussi un très grand nombre de sites sur toute la France qui se sont créés pour des produits locaux aux producteurs : nous accompagnons en moyenne 10 nouveaux sites par mois, mais sur le mois d’avril nous avons accompagné 65 nouveaux sites. 

Un autre point intéressant a été celui des magasins physiques de produits locaux qui ont rajouté une partie e-commerce à leur modèle. Notre logiciel propose une partie caisse et une partie magasin. Depuis avril, beaucoup de magasins se sont équipé d’une solution Click and Collect – les clients passent leurs commandes en ligne et les récupèrent en magasin où ils sont encaissés.

4/ Comment pensez-vous que cette transformation des échanges évoluera ? L’utilisation du digital va-t-elle perdurer chez les clients ?

Nous nous sommes posé la question. En cherchant à être solidaires, nous avons réalisé des offres sur les premières semaines du confinement. Il était donc quasiment gratuit de créer des sites de ventes aux particuliers. On s’attendait à ce qu’il y ait un effet d’opportunité et que beaucoup de ces nouveaux clients arrêtent à la fin du confinement, or, on s’est aperçu que sur une centaine de clients accompagnés il n’y en a que deux qui ont arrêté.

Ce changement a créé quelque part une forte demande au niveau des consommateurs. Une fois qu’ils s’habituent à manger des produits de qualité et d’origine locale, les consommateurs s’habituent aussi à payer ce surcoût et adoptent finalement l’habitude au long terme.

Il y a eu un raz-de-marée d’augmentation de chiffres d’affaires au début, qui sont tout de même restés sur des niveaux beaucoup plus hauts qu’avant le confinement, et ce, bien que maintenant l’accès au magasin soit facilité et à nouveau disponible. C’est au final un nouveau marché qui s’est installé.

De nouveaux projets se sont aussi installés. Quelques-uns des clients s’équipent sur des plateformes territoriales vers la restauration collective, soit des départements ou des régions, soit des collectivités ou des chambres d’agriculture. Certains producteurs qui avaient voulu s’équiper sur la partie boutique ont pu apprécier l’outil et veulent désormais s’équiper de logiciels pour gérer de la distribution aux professionnels (restaurateurs et commerces).

En conclusion, il y a bel et bien eu “effet digital” avec une croissance de la confiance dans l’outil digital.