NRF : A QUOI S’ATTENDRE POUR LE COMMERCE EN 2020 ?

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La semaine dernière j’ai eu l’occasion de me rendre au salon NRF à New York. Organisé par la puissante National Retail Federation, celui-ci réunit chaque année, en janvier, les professionnels du commerce du monde entier. Une sorte de Paris Retail Week mais en version XXL.

A travers les conférences, les exposants et la visite des magasins les plus avant-gardistes de New York, ce salon permet d’identifier les dernières tendances. Pour ma part, j’ai eu le plaisir de participer au « Store Tour » organisé par Criteo avec le Hub Institute (merci à Nicolas Rieul). J’ai également été invité à la réunion annuelle de la Federation of International Retail Associations. La FIRA, c’est un peu l’ONU du commerce avec une quarantaine d’organisations professionnelles, représentant les 6 continents. Enfin, la NRF c’est aussi l’occasion de faire des rencontres. Sur le salon, bien sûr, mais aussi lors des événements qui se tiennent en marge de celui-ci. Parmi ceux qu’il ne fallait surtout pas rater cette année : la NRFrench Party organisée par Catherine Barba et Mike Hadjadj et la Retail Party des French Founders.

Cela faisait trois ans que ne je n’avais pas franchi les portes du Javits Convention Center. Première impression : ce salon est toujours aussi impressionnant, tant par sa taille et que par la qualité de l’organisation. On y croise aussi toujours autant de Français. La France est en effet le deuxième contingent étranger à la NRF, derrière le Brésil. A noter l’excellent travail réalisé par Business France qui accompagne une vingtaine de start-up françaises sur place, parmi lesquelles plusieurs d’entre elles sont « passées » par notre challenge Fevad/KPMG Start Me Up, notamment OneStock, Datakalab, Proximis. Ce village « français » implanté en plein centre de la NRF est  certes moins imposant que celui du CES, mais la qualité des start-up présentes offre une très belle vitrine de la French Retail Tech.

L’expérience d’achat, ça n’a pas de prix

Côté tendances voici (en vrac) quelques-uns des points que j’ai pu observer. Tout d’abord, le parcours d’achat est plus que jamais au centre de toutes les attentions. D’une manière générale, les consommateurs et plus particulièrement ceux de la génération Z sont à la recherche de nouvelles expériences. 72% d’entre eux déclarent préférer dépenser leur argent pour des « expériences vécues » plutôt que pour des biens matériels. D’où l’intérêt d’un parcours client qui procure au consommateur une expérience inédite ou suffisamment marquante (idéalement potentiellement « instagramable ») et donc particulièrement engageante. Cette approche est au cœur des tout derniers concept stores qui viennent d’ouvrir sur Midtown, dont les flagship stores Puma, Nike et Nordstrom. Par-delà la recherche du « wow effect », ces magasins multiplient également les offres de services : bar-restaurant ambiance lounge, salon de coiffure, bar à ongles, massage du visage. Sans oublier la possibilité de booker (gratuitement) votre styliste personnel pour un coaching personnalisé.

Cette approche « expérientielle », bien que sur un registre très différent, est également présente sur les sites, notamment chez les DNVB, comme par exemple Adelante qui permet au client de rencontrer l’artisan local qui façonne sa paire de chaussure.

Seamless commerce, plus simple tu meurs

L’enchantement du parcours client passe aussi par la simplification de l’acte d’achat. Autrement dit, tout faire pour faciliter au maximum la vie du client. Le parcours se doit d’être seamless, c’est-à-dire le plus fluide possible. Un bon exemple de cette tendance est Amazon Go qui supprime totalement le passage en caisse. Pour l’avoir testé, le fait de sortir du magasin avec le produit « sans l’avoir payé », provoque un sentiment assez déroutant. Toutefois, au vu du nombre de solutions de paiement sans passage en caisse présentes à la NRF, il est probable que ce genre de technologies devrait assez rapidement se développer dans les magasins.

Fini le mass market, quand commerce rime avec personnalisation

Parmi les autres tendances incontournables figurent aussi la « personnalisation ». Toutes les enseignes s’y mettent et proposent de plus en plus souvent la personnalisation de produits directement en magasin ou en ligne. Cela va de la personnalisation des articles, à celle du papier cadeau. Cette tendance permet de répondre à une demande grandissante des consommateurs, tout en enrichissant considérablement l’expérience d’achat en offrant la possibilité de créer son propre modèle, plutôt que de se contenter de choisir entre ceux qui vous sont proposés. Le niveau d’engagement du client s’en trouvera forcément renforcé. L’autre en argument avancé en faveur de la customisation des produits in situ, tient dans le fait qu’elle limite considérablement le risque d’invendus et qu’elle contribue, ainsi, à lutter contre la surproduction. 

Ce phénomène de personnalisation s’applique aussi au parcours client. Selon Satya Nadella, CEO de Microsoft, qui intervenait en ouverture du salon, les consommateurs attendent de plus en plus une relation personnalisée avec leurs commerçants, ce qui est désormais possible grâce au traitement de la data par l’Intelligence Artificielle. Ce dernier a confirmé par ailleurs, ce que je pense depuis longtemps, à savoir que la data, et donc la connaissance client, est la clé de l’avenir du retail.

Cette personnalisation du parcours client en magasin passe le plus souvent par l’intermédiaire du smartphone qui permet à l’enseigne d’interagir avec son client, notamment par le biais d’offres promotionnelles qui permettront ensuite d’enrichir le CRM. Selon Deloitte Digital plus de 50% des dépenses en magasin aux US seraient influencées par le mobile.

Ces technos qui devraient prochainement envahir nos magasins

Côté techno, on trouve la généralisation de RFID sur les articles, et pas que pour la mode. Celle-ci présente l’avantage de permettre aux produits de communiquer avec les systèmes d’information du magasin ou de l’entrepôt. Les usages sont multiples : gestion des stocks, système anti-vol, tracabilité des produits (surtout lorsqu’elle est couplée à de la Blockchain, comme c’est le cas chez Avery Dennison). A cela s’ajoute aussi le paiement sans passage en caisse. Alors exit les codes-barres ? En tout cas une chose est sûre, le développement de l’internet des objets devrait s’accélérer dans le commerce.

Dans le domaine de l’expérience client, j’ai découvert le « spatial computing ». Cette techno immersive, proposée par des entreprises comme Magic Leap, permet une véritable interaction entre la réalité virtuelle et l’environnement réel, bien au-delà de ce que propose la réalité augmentée. Avec le spatial computing c’est le réel qui s’intègre dans l’espace virtuel, avec effet immersif garanti. Certaines enseignes comme H&M l’utilisent déjà avec succès. Au rang des autres retail tech particulièrement en vogue, figure également la 5G qui doit très prochainement débarquer dans nos smartphones et qui devrait renforcer les possibilités d’interaction entre magasins et consommateurs. La robotisation continue aussi de progresser. Coté front, certaines solutions prennent en charge le réassort des rayons. Côté back office, la solution de picking robotisé proposée par RightHand Robotics mérite le détour.

La reconnaissance faciale : oui mais jusqu’où ?

Enfin, difficile de passer à côté de la reconnaissance visuelle et notamment faciale, dont les applications dans le commerce se multiplient : comptage, sécurité, lutte contre le vol, paiement (avec la nouvelle solution Worldline présentée à la NRF). D’autres usages sont également proposés aux enseignes, comme celui permettant l’interaction avec des bornes intelligentes, testés dans le H&M de Time Square.  Ou encore, celui permettant d’identifier le client qui rentre dans le magasin afin de lui envoyer des offres personnalisées, ou signaler sa présence auprès des vendeurs qui pourront alors consulter son historique client. C’est ce que permet par exemple la solution FaceFirst. A ce stade, on est plus très loin de Minority Report… Pas sûr que ce genre de solution fasse très bon ménage avec le RGPD, ni avec l’attachement des consommateurs européens pour la protection de leur vie privée.

NRF 2020 vs France 2020

Trois autres points m’ont également frappé au cours de ces 3 jours.

Tout d’abord, il a finalement été assez peu question de développement durable, alors que cette thématique est omniprésente en France. Certaines solutions présentes dans l’espace innovation, valaient quand même la peine qu’on s’y attarde. Comme par exemple l’application Flashfood (la version US de TooGoodtoGo) ou encore, Foodini, une imprimante 3D destinée aux métiers de bouche.

Ensuite, c’est l’absence totale de discours antagonistes entre commerce et e-commerce. L’opposition entre magasins et internet est pour ainsi dire un « non-sujet ». L’e-commerce fait partie intégrante du commerce. Cela m’a rappelé l’étude que nous avions publié en 2011 avec Catherine Barba « 2020 la fin du e-commerce ».

Enfin, et pour avoir passé du temps à échanger avec les exposants situés dans la zone innovation de la NRF, j’ai pu observer à quel point les aspects réglementaires, notamment ceux liés à la protection des données, étaient souvent secondaires. Non pas que le sujet laisse les Américains indifférents, mais les aspects proprement juridiques et notamment ceux en lien avec la protection des données sont rarement perçus comme des points potentiellement bloquants.  

Plus globalement, il y a une sorte d’énergie positive qui se dégage de ce salon et qui, là aussi, contraste un peu avec l’ambiance générale du moment, en France. Il faut dire que la croissance du commerce américain pour 2019 devrait dépasser les +4%.

Pourtant, cette visite à la NRF permet aussi de jauger le niveau de nos magasins et de nos sites. Et de constater que ces derniers, non seulement sont au niveau, mais disposent également de nombreux atouts pour répondre avec succès aux nouvelles attentes des consommateurs. Encore faudrait-il cependant que nos commerces bénéficient d’un environnement économique, social et réglementaire un peu plus stable que celui que nous connaissons depuis maintenant plus d’un an. C’est en tout cas le vœu qu’on peut former pour 2020, en ce début d’année, en espérant que cela ne soit pas un vœu pieux.

Pour aller plus loin

Pour ceux qui n’ont pas pu se rendre cette année à la NRF, il existe nombreuses conférences de restitution, proposées par les nombreux consultants qui sillonnent les allées du salon et qui permettront, pour ceux qui le souhaitent, d’approfondir les enseignements de cette NRF 2020.

SourceMarc Lolivier