Nouvelle Donne pour les Consommateurs : qu’en est-il des marchands ?

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L’accord New Deal for Consumers récemment négocié à Bruxelles remplit-il son ambition initiale de clarifier et adapter la législation de l’UE en matière de consommation à la réalité de l’économie numérique ? Que prévoit ce texte majeur pour le e-commerce ? Sanctions en cas d’infractions, transparence sur les places de marché en ligne, droit de rétractation : nous analysons ici les futures obligations règlementaires et leur impact pour les e-commerçants.

Un accord a été obtenu le 22 mars sur la Directive européenne relative à une meilleure application et modernisation des règles en matière de protection des consommateurs, qui avait été proposée en avril dernier par la Commission au titre du paquet New Deal for Consumers. Comme nous vous en faisions la présentation dans un précédent article, cette directive dite Omnibus est substantielle en ce qu’elle modifie quatre autres directives : la directive relative aux droits des consommateurs de 2011, celle sur les pratiques commerciales déloyales de 2005, la directive sur les indications des prix des produits offerts aux consommateurs de 1998 et celle sur les clauses contractuelles abusives de 1993.

Contenu de l’accord négocié

La directive introduit tout d’abord le droit de recours individuel pour les consommateurs contre les commerçants lorsqu’ils s’estiment victimes de pratiques commerciales déloyales, sans réelle harmonisation néanmoins. Une liste indicative de critères communs permettant d’évaluer la gravité des infractions est également inclue dans le texte, de même que le niveau de sanctions applicables à toutes les infractions, établi à au moins 4% du chiffre d’affaires annuel du commerçant, ou à défaut au moins 2 millions d’euros.

Par ailleurs, des exigences renforcées de transparence sont prévues au niveau des transactions en ligne : les marchands sont notamment tenus de mettre en place un système d’authentification des avis des consommateurs, d’informer sur un tarif personnalisé fondé sur des algorithmes, ou encore de fournir une adresse email de contact en plus d’un numéro de téléphone. Les places de marchés, qui sont ajoutées dans le champ d’application de la directive sur les droits des consommateurs, ont l’obligation d’informer le consommateur de l’identité du commerçant responsable dans une transaction, à savoir s’il s’agit d’un vendeur tiers ou de la plateforme elle-même.

Le texte consacre aussi la protection des consommateurs de services numériques dits « gratuits » pour lesquels les données personnelles des consommateurs sont fournies, tel que le stockage en ligne, les réseaux sociaux ou les messageries emails. 

Au niveau de la directive sur l’indication des prix, une nouvelle disposition obligeant de renseigner les réductions de prix, insérée tardivement dans les négociations (au stade de l’unique trilogue), représente un enjeu pour certains modèles économiques spécifiques. Les marchands devront en effet afficher le prix le plus bas pratiqué pendant une période d’au moins un mois avant l’application de la réduction de prix, avec une adaptation des règles par les Etats membres pour certains produits qui risquent de se détériorer ou d’expirer rapidement.  

Enfin, le texte négocié ne modifie pas les dispositions actuelles sur le droit de rétractation et le remboursement associé, et dès lors n’est pas en mesure de corriger la situation observée selon laquelle des produits endommagés dont la dégradation est liée à un usage manifestement excessif du produit (par rapport à ce qui aurait pu être autorisé dans un magasin physique) peuvent être retournés au e-commerçant. Ce dernier a par ailleurs toujours l’obligation de rembourser le consommateur dès lors qu’une preuve d’expédition du bien lui est fourni, sans attendre la réception du produit.

Position de la FEVAD et d’Ecommerce Europe

Alors que la proposition initiale de la Commission prévoyait des aménagements adaptés au droit de rétractation et de remboursement des marchandises, qui allaient dans le sens d’un rétablissement de l’équilibre avec le droit des commerçants, les co-législateurs sont revenus dessus, considérant ne pas disposer de données suffisantes montrant qu’il s’agissait d’un fardeau important pour les entreprises.

De manière générale, les organisations nationale et européenne du secteur e-commerce regrettent le niveau minimal d’harmonisation retenu, qui va à l’encontre de l’objectif poursuivi par le marché unique numérique européen. Ainsi par exemple, la directive n’empêchera pas les Etats membres de l’UE d’introduire des exigences supplémentaires en matière d’informations pour les places de marché en ligne ou de déroger à des dispositions telles que celle sur le droit de rétractation en cas de contrat de service. Cette fragmentation au niveau de l’application des règles est très préjudiciable à la fois pour les consommateurs comme pour les entreprises.

Prochaines étapes

Le texte sur lequel porte l’accord doit être soumis au vote en plénière du Parlement européen le 16 avril puis à l’approbation du Conseil de l’UE, en vue d’une adoption formelle.

La directive doit ensuite être transposée en droit national dans les 2 ans, et appliquée dans les 6 mois suivant la transposition. 

Par la voix d’Ecommerce Europe, qui participe activement aux groupes de travail de la Commission européenne dédiés au droit de la consommation et autres instances, la FEVAD continue de se mobiliser sur ces sujets d’implication majeure pour le e-commerce. En vue particulièrement de la prochaine mandature européenne, il est primordial de parvenir à un juste équilibre entre la promotion de la confiance et la protection des droits des consommateurs d’une part, et le soutien à l’économie numérique d’autre part, en poursuivant l’objectif de recherche d’harmonisation des législations.