L’inde innove – Entretien Badal Malick

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entretien_du_mois

entretien_du_moisNous avons interviewé Badal Malick, vice-président de l’omnicanal pour la plateforme e-commerce Snapdeal, concurrent d’Amazon et de Flipkart en Inde, avec 32% des parts de marché, plus de 35 millions de produits et plus d’un million d’utilisateurs réalisant des transactions chaque jour. Depuis 2015, Badal Malick dirige la conception et mise en oeuvre de “Janus”, un écosystème de “commerce hybride” qui vise à intégrer le commerce en ligne et hors ligne en Inde et fournir une expérience d’achat omnicanale. Les internautes peuvent découvrir des produits en ligne, passer commande et être livrés en quelques heures grâce à des commerçants locaux.

99% du commerce est encore réalisé hors ligne en Inde. Est-ce que c’est ce qui a poussé Snapdeal à lancer la première plateforme omnicanale en Inde?

Oui, en effet. Il faut comprendre le contexte de l’Inde et tenir compte de plusieurs facteurs dans l’élaboration d’une bonne stratégie e-commerce. Tout d’abord, il y a un déficit de confiance significative en matière de transactions, ce qui a façonné le comportement de l’acheteur. Ensuite, la vente au détail est encore une expérience très locale, comme en témoigne le paysage très fragmenté des détaillants (plus de 96% sont des petits magasins familiaux sans aucune présence en ligne). Troisièmement, il n’y a pas une culture du “Do It Yourself” (DIY), mais une culture très centrée sur le service.

Dans une enquête que nous avons réalisé, nous avons découvert que, bien que 1/3 de nos visiteurs voient le prix comme le principal facteur déterminant dans leurs décisions d’achat, un autre tiers est plus orienté vers le service, intéressé par une livraison plus rapide, des retours plus facile, la capacité de toucher et de sentir, ou d’autres services à valeur ajoutée. Le dernier tiers était partagé entre le prix et le service. Par conséquent, la stratégie adoptée avec notre plate-forme omnicanale a cherché à répondre à ces besoins de la clientèle en offrant une expérience complète et attrayante au client.

Comment ces facteurs sont-ils pris en compte dans votre stratégie omnicanal? Avez-vous des exemples?

Les téléphones mobiles ont été l’une des premières catégories que nous avons sélectionnée pour être déployée sur cette plate-forme. Ceci a été réalisé grâce à notre partenariat avec The Mobile Store, une chaîne nationale de vente au détail. Nous avons remarqué que pour les produits tels que les téléphones mobiles, la grande majorité des clients suivent effectivement leur achat en ligne avec une visite en magasin pour accéder aux services connexes, tels que le transfert de données, le redimensionnement de la carte SIM, l’installation d’un protecteur d’écran, etc. Nous voulions fournir tout cela en une seule et unique expérience de shopping. Maintenant, dans 70 villes à travers l’Inde, les clients ont la possibilité d’acheter un téléphone sur Snapdeal, et de le récupérer ou se faire livrer dans le magasin The Mobile Store le plus proche dans les 2 heures avec les services d’experts. Pour en revenir au contexte de l’Inde, en dépit de l’absence d’une culture DIY, Snapdeal a vu une part de 20% de collecte de produits plutôt que de livraisons pour son Mobile Store Model, ce qui suggère que l’approche omnicanale a réussi à satisfaire des besoins distincts de la clientèle.

Comment assurez-vous la disponibilité de l’inventaire et le service en magasin pour que les clients aient la meilleure expérience?

Notre plate-forme est intégrée aux opérations de notre partenaire détaillant – soit par le biais des API ou via le cloud. Nous passons les détails de la commande aux partenaires après avoir vérifié la disponibilité et la capacité de service, et nous continuons à suivre de près les accords de niveau de service ( «Service-level Agreement, SLA»). Nous sommes toujours en train d’apprendre et d’améliorer, mais notre véritable objectif est de créer une expérience sans friction pour les acheteurs et les vendeurs.

Quel est votre conseil pour réussir avec ce type de modèle?

Trois aspects sont primordiaux: de bons partenariats pour construire le business, la bonne technologie et opérations pour permettre son fonctionnement et les bonnes réglementations et processus pour le gérer.  Il ne faut pas seulement se concentrer sur la recherche des bons partenaires, mais aussi sur l’alignement des objectifs stratégiques et la clarification des rôles et responsabilités. Cette route est longue et nécessite de bonnes fondations pour surmonter les défis inhérents.

Il faut aussi être intransigeant sur la façon de générer de la valeur. Une approche à l’emporte-pièce ne fonctionnera pas, car il faut adapter la solution à la dynamique des catégories de produit et aux capacités du commerçant. Une expérience produit transparente est essentielle. Les clients ont besoin de comprendre la nouvelle proposition de valeur et comment s’en servir intuitivement. Pour les vendeurs aussi, il faut améliorer et ne pas perturber leurs flux de travail existants ainsi que leurs modèles d’affaires.

Enfin, puisque l’interface client-vendeur est désintermédiée avec ce modèle, nous avons besoin de bien définir des règles, des outils et des processus pour le gérer. Cela va des SLA à la formation des vendeurs et la due diligence dans l’analyse des produits et des comportements.

Comment pensez-vous que le paysage e-commerce en Inde va évoluer dans un avenir proche?

La dernière phase dans laquelle nous sommes entrés est celle de la consolidation. Je pense que 3-4 joueurs se sont distingués comme des acteurs crédibles. Je soupçonne que la prochaine étape sera de développer des modèles d’affaires durables et des propositions de valeur qui stimuleront plus la fidélité des clients. L’omnicanal est l’un des quelques grands paris placés sur l’avenir du commerce de détail et les paiements.